CALIENTE Au mois d’août, lorsque la température monte, des stages pour « adultes consentants » sont organisés pour les vacanciers qui souhaitent se frotter au tantra, la sexualité sacrée
Thibault Girardet
Publié le 21/07/19 à 16h35 — Mis à jour le 22/07/19 à 10h50 – Lire sur 20 minutes
L’atelier chaudoudoux permet aux vacanciers de se donner collectivement de la tendresse. — Sophie Noël- Chaque été, au mois d’août, des vacances pour « adultes consentants » sont organisées en Ardèche.
- Dirigés par une sexothérapeute, ces stages de tantra permettent aux participants d’élargir leur horizon érotique.
- Pour les vacanciers, c’est aussi l’occasion de travailler sur des blocages sentimentaux et sexuels.
« Qui ne tantra rien n’a rien » pourrait être la devise du lieu. Là-haut, à 900 m d’altitude entre forêts et montagnes ardéchoises, à environ 50 km de Valence, se dresse un imposant gîte dépourvu de voisinage. Chaque première quinzaine du mois d’août, ce petit coin de paradis accueille plus d’une vingtaine de personnes célibataires ou en couple venus élargir leur horizon érotique lors d’un stage pour « adultes consentants » autour du tantrisme, cette pratique inspirée de la religion hindouiste alliant le yoga et la méditation à la sexualité.
Au programme de ces vacances sensuelles, massages tantriques, ateliers énergétiques, ateliers chaudoudoux, expérimentation du « toucher intuitif naturel », danse contact ou relaxation dans la piscine… Le tout avec deux mots d’ordre : ouverture d’esprit et respect total de l’autre.
Retrouver un érotisme « happy »
« Souvent, les célibataires viennent trouver l’âme sœur, tandis que les couples cherchent à développer des outils pratiques en sexualité énergétique, explique Sophie Noël, gardienne de ce temple de la sensualité, sexothérapeute spécialisée dans le réveil amoureux et coanimatrice du stage. Les profils sont très variés, des jeunes de 20 ans, des personnes entre 40 et 60 ans. L’année dernière, j’ai même eu deux femmes de 75 ans. Il y a majoritairement des personnes hétérosexuelles, mais ces vacances sont bien sûr ouvertes aux personnes bisexuelles et homosexuelles. Il y a même un transsexuel que je reçois en séance qui souhaite y participer. Tous sont là dans le même but, qui est le fondement du tantra : retrouver cette ouverture à la jouissance que l’on a naturellement, cette relation cœur-corps innée et de laquelle on se coupe progressivement. Le tantra, c’est tout simplement une énergie sexuelle au service de l’innocence du cœur. »
Développer sa créativité sexuelle et retrouver un érotisme « happy », voilà donc le credo. Et pour que tout le monde se mette dans le bain, rien de tel que l’activité « pause douceur aquatique », dans la piscine d’eau de source naturelle. « C’est comme si on était tous des bébés dans le ventre de la maman, nous vivons une expérience de vie intra-utérine, poursuit Sophie Noël. Le but est de dénouer les tensions physiques, de s’octroyer un peu de tendresse, et de dissoudre les traumatismes. Par des interactions avec les autres participants, des jeux et des actes symboliques, je les fais dépasser certaines peurs ou appréhensions. »
« J’ai vécu des orgasmes sans contact physique »
Dominique, 64 ans, a testé ce stage, et pour elle, cette plongée aquatique physique et spirituelle a été jouissive. « Cela peut paraître assez fou, mais j’ai vécu un orgasme dans l’eau, sans contact physique, explique-t-elle. Avec le tantra, il est possible de vivre des orgasmes qui ne passent pas forcément par le biais des parties génitales, mais par celui de la respiration. » Pour cette enseignante à la retraite, qui a déjà prévu de participer aux prochaines vacances*, repasser à une sexualité ordinaire après avoir connu plusieurs amants tantriques est difficile. « Parce que l’acte est délicieux, ritualisé, voire sacralisé, décrit-elle. J’ai personnellement eu des relations sexuelles qui pouvaient durer jusqu’à trois jours avec l’un de ces amants, car le tantra apprend aux hommes à retenir leur éjaculation et faire durer le plaisir le plus longtemps possible. C’est une façon totalement différente de concevoir les rapports amoureux. »
Pour Gilbert Bou Jaoudé, médecin sexologue à Lille, l’idée de faire durer le plaisir jusqu’à trois jours est possible, mais « c’est un extrême ». « C’est plutôt quelques heures de plus, une nuit voire une journée entière, précise le praticien, ajoutant que le sexe d’un homme ne peut rester en érection plus de deux heures. Là, on parle bien de plaisir, d’excitation sexuelle, mais pas de la sensation d’adrénaline forte. La personne est tellement connectée au moment, détachée de l’objectif d’arriver, qu’elle profite de chaque instant. Elle ressent un plaisir qui n’est pas le même que celui d’un rapport sexuel plus classique. » Le spécialiste explique que, pour comprendre ce qu’est le tantrisme au sexe, il faut imaginer que l’acte sexuel « traditionnel » est comparable à un trajet que l’on parcourt à grande vitesse et où l’on va accélérer de plus en plus jusqu’au point ultime de l’arrivée. Le sexe tantrique est quant à lui détaché de la notion d’arrivée, seules les bonnes sensations du parcours importent.
La pause douceur aquatique est un des moments forts des vacances. – Sophie Noël
Des devoirs à faire dans la chambre à coucher
Le soir, après une journée de doux labeur et un repas végan préparé par deux chefs nutritionnistes, direction la chambre à coucher. Le moment où les couples, déjà constitués ou qui se sont formés au cours du stage, ont des « devoirs d’école ». « Ce sont généralement des exercices tantriques autour de la pénétration, développe Sophie Noël. Par exemple, le couple est en position du missionnaire, et l’homme doit rentrer dans la Yoni [l’organe génital féminin, en sanskrit] de la femme en demi-molle. Les deux amants doivent rester ventre contre ventre, enlacés, immobiles, en prenant de profondes respirations. Lorsque s’opère un véritable lâcher-prise, d’un coup, le sexe de l’homme va se redresser dans le vagin de la femme. Des blocages importants peuvent se dissoudre par ce biais. Certains hommes vont par exemple gagner en assurance et réduire des problèmes de précocité dans l’éjaculation ou de débandage. Des femmes qui peuvent avoir développé une croyance selon laquelle l’homme veut la saisir et la violenter se sentiront quant à elles plus en sécurité et en confiance. »
Car, pour pimenter sa sexualité et retrouver la véritable jouissance, il faut avant tout effectuer un travail sur ses blessures profondes. Pour ce faire, l’énergéticienne applique sa méthode du « Oui à la vie », avec laquelle elle soigne ses élèves. « Ma marque de fabrique, c’est d’abord d’aller déceler les déséquilibres physiques, psychiques et émotionnels des personnes, la blessure archétypale qu’ils ont pu avoir en étant adolescent, enfant ou bébé. Cela peut être, par exemple, qu’ils ne se sentent pas légitimes ou pas beaux aux yeux de leurs parents. Ensuite, je vais leur envoyer des “uppercuts” de douceur afin qu’ils retrouvent un élan amoureux pour eux-mêmes. »
« J’ai appris à demander à ma partenaire »
Le tantra est arrivé « un peu par hasard » dans la vie de Denis. Après une journée harassante, il entend un couple de Suisses parler de sexe tantrique lors d’un « café de l’amour », dans un bar parisien. « Je suis sorti de cette soirée avec une patate d’enfer ! », raconte celui qui devient alors un adepte de ces vacances pour adultes après avoir lu quelques ouvrages sur le sujet. Ce comptable de 45 ans dit avoir « cassé » beaucoup de ses croyances sur la sexualité grâce au tantra. « J’avais tendance à vivre mes relations de couple à travers un rapport dominant-dominé, développe-t-il. Avec mes partenaires, on était dans une sorte de compétition, dans la performance, sans cesse à la recherche de l’orgasme. Le tantra a complètement changé ma vie, les rapports avec mes copines sont devenus beaucoup plus tendres et harmonieux. »
L’été dernier, lors de ses vacances au gîte, Denis s’est même trouvé une a(i)mante avec qui il a pu découvrir de nouvelles pratiques : « Il y a plusieurs ateliers qui m’ont beaucoup marqué. L’un où je m’attachais à une femme avec une corde, puis vice-versa, afin de mieux comprendre l’expérience de l’attachement. Ce fut quelque chose d’insupportable pour moi. Il y a eu aussi l’expérience de la fessée : avec une femme, on se met chacun à notre tour une fessée. Mais attention, c’est la personne qui prend la fessée qui demande comment elle veut la recevoir. Comme c’est elle qui décide, elle devient ainsi plus apte à l’accueillir. C’est comme ça que j’ai pu réaliser plusieurs de mes fantasmes, en apprenant à demander à ma partenaire. »